Curlin : père de Journalism, une image d'Epinal de l'Amérique qui gagne
Curlin fait la monte à 225.000 dollars à Hill'n Dale Farm.
Il y a des chevaux de course, il y a des champions, et puis il y a Curlin. Ce fils de Smart Strike et de Sherriff's Deputy (Deputy Minister), né en 2004 dans le Kentucky, a marqué à jamais l’histoire des courses nord-américaines. Sept fois vainqueur de Gr.1, lauréat des Preakness Stakes, de la Breeders’ Cup Classic et de la Dubaï World Cup, il a été sacré Cheval de l’année aux États-Unis en 2007 et 2008. Aujourd’hui, à 21 ans, Curlin règne sur l’un des pedigrees les plus influents de sa génération.
Curlin est donc un fils de l'étalon canadien Smart Strike (Mr. Prospector), vainqueur du Philip H Iselin Handicap (Gr.1), et demi-frère de Dance Smartly (Danzig), lauréate de la Triple Couronne Canadienne. Smart Strike est le meilleur étalon né au Canada des temps modernes, après bien sûr Northern Dancer. Ce dernier est pourtant, et de façon extrêmement rare aujourd'hui, totalement absent du pédigrée de Smart Strike !
Smart Strike, un grand améliorateur, l'un des meilleurs continuateurs de son Mr Prospector.
En pleine préparation pour la Breeders' Cup, Smart Strike avait alors subi une fracture, l'obligeant à stopper sa carrière prématurément après 8 courses et à entrer au haras à Lane's End. Il a par la suite donné naissance à de nombreux champions comme English Channel, multiple gagnant de Gr. 1, Lookin At Lucky, vainqueur des Preakness Stakes (Gr.1) ou encore Mining My Own et Gold Strike, toutes les deux mères des gagnants du Kentucky Derby : Mine That Bird (Birdstone) et Rich Strike (Keen Ice).
Elevée aux Etats-Unis par Issam Farès, l'homme d'affaires et politicien libanais qui a eu une grande écurie en France, Sheriff's Duputy (Deputy Minister), la mère de Curlin, n'a pas couru. Mais elle était née du croisement de Barbarika, double gagnante de Groupe, avec l'excellent étalon Deputy Minister, d'ailleurs lui aussi originaire du Canada.
Curlin arrache à Street Sense la victoire dans le Preakness Stakes (Gr.1) en 2007
Sous l'entrainement de Steve Asmussen, dont on connaît en France le frère Cash Asmussen, mais qui est pour sa part l'un des meilleurs entraineurs outre-Atlantique, Curlin n'a pas couru à 2 ans, mais n'a pas tardé à faire parler de lui à 3 ans... Gagnant en débutant puis vainqueur de l'Arkansas Derby (Gr.1) de plus de 10 longueurs, en seulement 2 mois, il passait du statut d'inédit à celui de favori du Kentucky Derby (Gr.1), dont il termina troisième de Street Sense et Hard Spun.
S’en est suivie une année exceptionnelle, avec notamment une victoire retentissante dans les Preakness Stakes (Gr.1) devant Street Sense, qui l'avait battu lors du Kentucky Derby. Toujours monté par Robby Albarado, il participera également à la troisième étape de la Triple Couronne, les Belmont Stakes (Gr.1), où il sera battu de peu par Rags To Riches (A.P. Indy), la lauréate des Kentucky Oaks (Gr.1). Quelques mois plus tard, il dominera la Breeders’ Cup Classic (Gr.1) sur une piste complètement détrempée. Suite à cette année de 3 ans incroyable, il obtiendra le meilleur rating mondial pour un 3 ans avec une valeur de 129. Il se trouve ainsi au même niveau que le lauréat du Derby d'Epsom, Authorized (Montjeu).
Son année 2008 fut tout aussi brillante, avec des victoires éclatantes dans la Dubai World Cup (Gr.1), où il détient toujours le record du cheval avec le plus d'écart sur ses poursuivants jamais enregistré lors de l'épreuve, à savoir près de huit longueurs. Après sa victoire dans le Stephen Forster Handicap (Gr.1) au mois de juin, l'entourage du champion avait sérieusement envisagé de participer au Prix de l'Arc de Triomphe (Gr.1). Toutefois, Curlin ayant été devancé dans les Man o'War Stakes (Gr.1), ils ont finalement choisi de tenter un doublé dans la Breeder's Cup Classic (Gr.1). Malheureusement, malgré un doublé dans la Jockey Club Gold Cup (Gr.1), il ne terminera que 4e de la Breeder's Cup, notamment derrière un certain Raven's Pass. Cela ne l'empêchera pas pour autant de remporter une nouvelle fois le titre de cheval américain de l'année avant d'entrer au haras. En deux saisons, il aura amassé plus de 10,5 millions de dollars de gains, un record à l’époque pour un pur-sang américain.
Curlin est aussi le père du célèbre Cody's Wish, un champion américain au destin Hollywoodien, nommé en l'honneur d'un jeune garçon handicapé Cody Dorman.
Aujourd'hui installé au prestigieux Hill'n Dale Farms dans le Kentucky, Curlin y fait la monte au prix de 225 000 $ la saillie. La date à retenir dans sa grande carrière d'étalon est sûrement le 4 novembre 2023, date à laquelle trois de ses produits ont remporté une étape de la Breeder's Cup. Il est le seul étalon de l'histoire à avoir réussi cet exploit. En effet, l'hippodrome de Santa Anita a vibré ce jour là lorsque Cody's Wish, Elite Power et Idiomatic se sont respectivement adjugés les Breeder's Cup Dirt Mile (Gr.1), Breeder's Cup Sprint (Gr.1) et Breeder's Cup Distaff (Gr.1).
Toujours dans les records, Curlin est à l'origine du top price de la vente de septembre 2024 de Keeneland. Ce produit de Cavorting (Bernardini) avait en effet été acheté pas moins de 5 millions de dollars, soit le yearling le plus cher du pays depuis plus de 10 ans. Ce prix pharaonique s'explique par la qualité du croisement ayant déjà fait ses preuves avec Clairière, lauréate de quatre Grs 1. Son acheteuse, Mandy Pope est une habitué des records puisqu'elle avait déjà acheté le yearling le plus cher de l'histoire, America's Joy (American Pharoah), pour la bagatelle de 8,2 millions de dollars quelques années plus tôt. La pouliche s'était malheureusement mortellement accidentée avant de débuter.
Le dernier champion en date de Curlin n'est nul autre que le dernier vainqueur des Preakness Stakes (Gr.1), Journalism. Gagnant du Florida Derby (Gr.1) et 2e du Kentucky Derby (Gr.1) derrière Sovereignty (Into Mischief), Journalism partait favori il y a quelques jours dans la 2e étape de la Triple Couronne disputé à Pimlico, dans le Maryland. Il aura toutefois fait trembler les turfistes dans la dernière ligne droite. Son jockey, Umberto Rispoli avait choisi de venir entre deux concurrents dans un trou de souris. Il avait la place et ce pilote italien a choisi de monter à l'européene, c'est à dire de venir en dedans, dans les chevaux, de façon virile mais correcte... Mais c'était sans compter sur Goal Oriented, qui a soudainement et fortement penché sur sa gauche, faisant perdre énormément de vitesse à Journalism. C'est au terme d'un effort digne des plus grands que Journalism a finalement réussi à s'imposer.
Monté à la méthode européenne par l'italien Umberto Rispoli, Journalism a été fortement gêné par un rival qui a penché mais a réussi à revenir dans les dernières foulées pour arracher la victoire.
Comme autre de ses produits notables, on pourrait également citer Exaggerator, vainqueur du Santa Anita Derby (Gr.1) ainsi que des Preakness Stakes (Gr.1). Il a échoué de peu lors du Kentucky Derby (Gr.1) en terminant juste derrière Nyquist (Uncle Mo). Maintenant représentant de son père au haras, il est actuellement stationné à WinStar Farm. Sa carrière d'étalon n'étant pas un grand succès, son seul et unique produit remarquable reste Skippylongstocking, 3e des Belmont Stakes (Gr.1).
L'un de ses meilleurs fils au haras reste tout de même le grand Good Magic, gagnant de la Breeder's Cup Juvenile (Gr.1) ou encore des Blue Grass Stakes (Gr.1). Il est également second du Kentucky Derby (Gr.1) derrière le très célèbre Justify (Scat Daddy). Stationné à Hill'n Dale Farms aux côtés de son père, il est notamment à l'origine de Mage, second du Florida Derby (Gr.1) mais surtout vainqueur du Kentucky Derby (Gr.1) 2023. Il est également le père de Dornoch, lauréat des Belmont Stakes (Gr.1), le propre frère de Mage.
Du côté des pouliches, il faut bien entendu retenir Clairière, gagnante des Ogden Phipps Stakes (Gr.1) à deux reprises, mais surtout Malathaat, championne des pouliches et gagnante des Kentucky Oaks (Gr.1) en 2021. Elle est également la lauréate de la Breeder's Cup Distaff (Gr.1) entre autres nombreuses victoires de Stakes.
Seabhac, le seul porteur du sang de Curlin à faire la monte en Europe.
En France, comme beaucoup d'autres grands étalons américains, Curlin est quasiment inconnu. Il n'a que que 3 partants, et pas un seul vainqueur. Et personne ne se rappelle de Butterly McQueen, 2e de Listed en 2013, ou de Savanna Del Mar, 5e du Grand Prix de Vichy (Gr.3) la même année. Sur le vieux continent, aucun de ses produits ne fait la monte. Toutefois, son sang n'est pas totalement absent de nos haras européens et plus précisément du haras du Taillis où est stationné Seahbac, frère de Justify et donc fils de Scat Daddy, vainqueur du Florida Derby (Gr.1). Ce gagnant des Pilgrim Stakes (Gr.3) est en effet un produit de Curlin Hawk qui, comme son nom l'indique, est une fille de Curlin. Elle est la soeur de Afleet Alex (Northern Afleet), gagnant des Preakness Stakes (Gr.1), des Blemont Stakes (Gr.1) et de l'Arkansas Derby (Gr.1). Le meilleur produit de Seahbac reste à ce jour Rue Boissonade, gagnante du Prix de Malleret (Gr.2).
La grandeur de Curlin réside autant dans la qualité que dans la constance de sa production : ses produits affichent une capacité d’adaptation sur diverses distances, surfaces et conditions, héritant de son tempérament de lutteur et de son exceptionnelle locomotion. Il s’impose peu à peu comme père de mères. Ses filles transmettent force, tenue et régularité, ce qui le destine à un rôle d’influence dans les générations futures. Avec la montée en puissance de ses petits-fils et petites-filles, Curlin n’est pas simplement un grand étalon de passage, mais bien un pilier génétique en devenir. Il incarne à la fois la puissance brute du pur-sang américain et l’intelligence racée du reproducteur accompli. Curlin est plus qu’un nom sur un pedigree : il est une signature. Une empreinte laissée dans la terre battue des hippodromes et dans le sang noble des générations à venir.